Survival Kit – Recherche Curatorial
A l’heure de la « Restitution » du Patrimoine historique Ouest-Africain par l’Europe , il me paraît important de s’interroger sur la conservation et la transmission du patrimoine artistique plastiques et visuels contemporain produit après les indépendances au Sénégal.
Qui sont les précurseurs ? Comment leurs œuvres ont- elles traversé le temps ? Que restera-t-il de ce patrimoine dans un futur proche ? Pourquoi la préservation de ce patrimoine est-elle essentielle ? Quels ont été les impacts de ces travaux sur nos sociétés? Comment l’Ecole de Dakar et les dynamiques de politiques culturelles mises en place par L.S.Senghor ont changé la vision et le travail de centaines d’artistes sur tout le continent? Comment transmettre les savoirs et comment les rendre visibles et digestes ?
Autant de questions que je me pose depuis plusieurs mois et auxquelles j’essaye de répondre à travers un « Survival Kit ». Ce projet de curation né de l’intention de fournir des informations pour renforcer la prise de conscience, le présent et l’avenir des œuvres d’art qui font et feront partie du patrimoine ouest africain. Survival Kit est un manuel multidimensionnel qui sert de travail préparatoire pour un futur possible , pour la génération d’après. Ce Guide est un outil et une fenêtre d’ouverture sur une réflexion plus globale et plus internationale qui nous touche tous : comment transmettre un patrimoine matériel et immatériel aux générations suivantes ?
La restitution, comme une histoire de translocation présente et future, sera interprétée et exprimée plastiquement par un groupe d’artistes aux pratiques diverses ( photographies, sculpture, performance, vidéo , peinture etc..) À travers ce projet, j’aimerais proposer une vision qui considère la pertinence du «retour» comme un moteur qui promeut l’importance du rôle des gardiens et suggère des options pour développer des attitudes responsables et conscientes dans le processus de restitution et de transmission.
Au cours des dernières années, en Europe , Berlin est devenu un point focal dans les discussions autour de la ” Restitution ” et la manière de traiter les différentes formes d’héritages coloniaux et africains en Allemagne. En 2019, lors de mon premier séjour à Berlin , j’ai pu m’initier à ce discours et à certains de ses acteurs. En 2022, je suis retourné en Allemagne et j’ai pu travaillé durant deux mois , dans le cadre d’une résidence de recherche curatorial à la ZKU ( Zentrum für Kunst und Urbanistik ) de Berlin, un programme financé par Kulturstiftung des Bundes ( German Federal Cultural Foundation). Cette recherche m’a permis d’approfondir et d’identifier deux générations d’artistes plasticiens dont mon père El Hadji Sy , fait partie. El Hadji Sy fondateur du village des arts mais également artiste reconnu sur la scène internationale pour ses pratiques innovantes et son rôle central dans le laboratoire AgitArt, les collectifs Tenq et 8 Facettes.
Cette résidence m’a ensuite mené de Berlin à Frankfurt où j’ai pu visiter le Weltkulturen Museum. Ce musée ethnographique du début du siècle possède des collections problématiques mais aussi des travaux d’El Hadji Sy. En effet depuis 1985 , l’institution entretient une relation avec l’artiste et a présenté en 2015 une rétrospective de ces 40 années de peinture. Pour les besoins de ma recherche je suis ensuite allée à Bayreuth où j’ai pu m’entretenir avec les équipes de Iwalewa Haus , un musée universitaire qui possède également des œuvres issues du patrimoine artistique contemporain sénégalais. Mon séjour en Allemagne m’a permis de collecter un certain nombre de données : photographies, listes des collections, interviews avec des spécialistes , ouvrages etc .
A mon retour au Sénégal, j’ai poursuivi ma recherche à Dakar où j’ai pu interroger les archives du quotidien le Soleil , interviewer des artistes, des collectionneurs. Puis je me suis rendue à Saint-Louis pour échanger avec des conservateurs et historiens de l’art du Centre de Documentation et de Recherche du Sénégal et de la Mauritanie. Afin de comprendre les enjeux autour de la préservation du patrimoine , de la numérisation des archives. J’ai poursuivi ce travail de recherche à Venise où je me suis rendu en Novembre 2022 à quelques jours de la fin de la Biennale des arts de Venise. Ce séjour en Italie m’a permis d’échanger une série d’artistes et de commissaires de la diaspora et du continent. J’ai pu y présenter mon projet de recherche et découvrir différentes façons de présenter l’archive. La rencontre la plus marquante fut celle avec Zineb Sedira , présenté au pavillon français. L’artiste est une véritable source d’inspiration car elle travaille depuis plusieurs années sur l’archive et utilise le film comme médium de transmission. Aujourd’hui, je poursuis ma recherche à Londres, en Angleterre, afin de consulter les archives du Centre of African Studies – SOAS, de la galerie Whitechapel et de la bibliothèque Stuart Hall Library autour de l’événement Africa 95. Événement international important durant lequel certains artistes sénégalais tels que El Hadji Sy et Issa Samb ont participé. Ce séjour est également une opportunité pour échanger avec certains profils clefs. Le Survival Kit veut créer une nouvelle narration. En effet, pour moi il est important de décoloniser la pensée et réécrire l’histoire de l’art contemporain africaine. Prendre du recul et proposer une nouvelle narration Dans ce contexte, j’aimerais poursuivre et finaliser mes recherches aux Etats-Unis à Washington DC, pour échanger avec certaines institutions comme le Smithsonian American Art Museum , afin de comprendre l’approche de ces institutions autour de l’archive , de la préservation du patrimoine.
Ken Aicha Sy
Survival Kit _ 2022/2023/2024
Lien Youtube : https://www.youtube.com/playlist?list=PLsdnNZc6WZSngQrOKV_XXt3ueAym_xSTS
Crédit photo : Elisa Georgi
© ZK/U Berlin, 2022
ZK/U FELLOW INTRODUCTION // KEN AICHA SY // JAN 05 2021 – MAR 31 2022
Recherche Londonienne
Restitution à Dakar _ Mars 2023
Survival Kit dans la presse